Briqueterie
  Du XIème au XIVème siècle, les techniques évoluent mais surtout de nouveaux matériaux produits par des artisans spécialisés sont employés : le phénomène est d'autant plus important qu'il va de pair avec d'autres innovations comparables dans d'autres secteurs, et tout spécialement dans la charpente. Ainsi la construction en pierre, là ou elle est disponible, ou en brique, à proximité de gisements d'argile, apparaissent et se répandent avec l'émergence de la société féodale. Par ailleurs, le produit obtenu, la maison, a changé de nature : elle devient une bâtisse permanente, transmissible pendant quelques générations et abritant par conséquent une famille. Une mentalité nouvelle, une forme nouvelle de relation entre les humains et leur maison apparaît alors.

La brique est présente en Europe chez les romains, mais elle ne rentre pas dans les mœurs du Haut moyen Age, celle qui nous concerne apparaît vers 1170, le long des côtes de la mer du Nord dans la mouvances des ordres religieux Cisterciens et Prémontrés, grands bâtisseurs de monastères et d'églises.
En Flandre, les premières traces de fabrication de briques sont dues aux cisterciens de l'abbaye des Dunes de Coxyde vers 1220. Ces moines essaimèrent, et au XIIIème siècle ceux de Clairmarais possèdent une tuilerie ainsi que peut-être ceux de Bergues et Bourbourg.
Il semble donc que ces ordres religieux soient les premiers à avoir fabriqué des briques à une échelle industrielle, ce qui s'explique surtout pour des raisons d'ordre financier et pratique, la chaîne mise en œuvre n'étant pas rentable immédiatement, bien que tous les éléments nécessaires se trouvaient sur place (argile, eau, sable, bois). La production de briques exigeait une infrastructure complexe permettant de coordonner toutes les étapes de la production : extraction et préparation de l'argile, moulage, séchage et cuisson des briques en meules, transport -favorisé en plaine maritime par un réseau important de voies d'eau navigables.

La cuisson de briques nécessite une température supérieure à 900°C durant plusieurs heures. La technique la plus ancienne semble être la meule : structure temporaire faite des briques elles-même, empilées en rangées alternées avec du combustible. De 4 à 10 m de côté sur 3 à 6 m. de hauteur, ces structures d'au moins 40.000 briques, étaient revêtues d'argile pour former une véritable chambre de cuisson. Ce mode de cuisson perdura jusqu'au début du siècle dans les, alors encore nombreuses, briqueteries de la région.
A l'époque, la brique de "saint Bernard" est différente de la notre puisque son module de base est de 29x14x9,5 cm. Celui-ci va au fur et à mesure se réduire et se rapprocher du module actuel (environ 20x10x7,5 cm), tout en prenant une place prépondérante d'abord dans l'architecture religieuse et militaire puis civile (halles, beffrois, hôtels de ville) et urbaine avec les typiques façades flamandes à pignon en degrés (Arras, Furnes…). Elles remplacent par là-même les constructions à pans de bois, tout comme le chaume fut peu à peu remplacé pour des raisons de sécurité et de solidité par la tuile.

L'origine marine de la plaine fait que l'argile locale est fortement sableuse donnant après cuisson une brique ou une tuile de teinte jaune à orangée typique des édifices flamands de cette micro-région, et , bien que massivement remplacée par des briques rouges lors de la reconstruction qui suivit la Seconde Guerre Mondiale, la brique jaune est et reste un symbole identitaire fort.

   
Nos expérimentations sur la réalisation de briques ont essentiellement porté sur la préparation d'argiles de provenances différentes: trempage, malaxage, adjonction de dégraissant sableux selon la composition de l'argile, réalisation de moules et moulages. Nos essais (peu concluants) de cuisson en meule nous ayant rapidement convaincus que l'art -difficile- de la conduite d'une cuisson ne pouvait se faire que sur une telle quantité de briques que nous reportons pour le moment une telle expérience.