Bergues, Tour "ruelle des 7 baraques".
L'ouvrage aujourd'hui dénommé "
Tour de la ruelle des 7 baraques ", apparait au nord de
la ville comme une tour carrée, en avancée de la
murailleet s'intègre bien à la géométrie
régulière des bastions voisins offrant flancs et
courtières. Sa face avant est percée d'une poterne
qui jouxte un batardeau éclusé portant "dame"
et sur lequel s'appuie un vestige d'arc de tour écroulée,
envahie par la végétation sauvage en pied du fossé.
Une station d'épuration a pris la place de l'ouvrage avancé.
C'est au niveau de la ruine que se situe la mémoire des
lieux, puisque là s'élevait "l'Oost poorte":
la porte d el'estsur l'enceinte primitive des Comtes de Flandre.
Après la destruction de la ville en 1383 par le roi de
France Charles VI, les Ducs de Bourgogne, nouveaux maitre de
la ville, vont la reconstruire et l'étendre à l'est
en englobant, dans de nouvelles fortifications, le site de l'abbaye
de Saint-Winx. De ces transformations du début du XVe
S., nous n'avons que les visualisations apportées par
les plans de Jacques de Deventer vers 1560 et de Jacques de La
Fontaine vers 1635. Sur ce dernier, le dessin montre une tourelle
à poivrière précédée d'une
avancée circulaire prolongée d'un batardeau qui
coupe le fossé. Mais déjà plus de chemin
car plus à l'est une nouvelle porte "la Bastaerdepoorte"
construite en 1499 est venue remplacer l'accès par "l'Oost
poorte" supprimée en 1530. Après le rattachement
définitif de la ville à la France en 1668, Louis
XIV et Vauban vont apporter la nouvelle configuration de l'enceinte
fortifiée. L'observation du plan relief, exécuté
dès 1699, montre en ce lieu une tour "en fer à
cheval" axée parallèlement au fossé.
Elle est reliée par un batardeau à l'ouvrage avancé
et par un mur de liaison à une tour d'angle cylindrique,
vestige probable de la tour à poivrière dessiné
par Jacques de La Fontaine. En pied de chacune de ces tours,
apparait une embrasure canonnière qui couvre en enfilade
le fossé et les murailes. L'observation des clichés
et de plans archivés à Vincennes du XVIIIe et XIXe
S. n'apporte pas de détails plus significatifs vu leurs
petitesses ou simplifications.
Le sondage archéologique engagé par
l'ASPABERG (Association du patrimoine berguois) a été
motivé par l'existence en intérieur de la tour,
de deux niches de tir sans embrasures et semi enterrées
par un niveau de sol relevé et bétonné pour
assainir les lieux devenus mal fréquentés. Une
des niches de tir est d'ailleurs couverte par le rempartbastionné
du XVIIe S. qui l'a ainsi condamné. Il faut y noter également
les cheminées de ventilation qui restent en parfait étatde
fonctionnement.
La fouille extérieure a confirmé
l'existence d'une embrasure à double ébrasement
en appareillage de pierres, tout comme le soubassement des murailles
lui aussi en pierre. En interieur, une excavation a révélé
un pavement briqueté de la salle à moins de 0,50m
sous le niveau bétonné actuel que couvre également
la niche de tir sans dégager pour autant l'autre embrasure
et un autre niveau de briquetage dont il reste à vérifier
s'il est aussi celui de la tour. La poursuite du sondage exterieur,
en suivant la muraille, a mis à jour l'embase d'un contrefort
qui explique désormais l'arraché de maçonnerie
en angle de l'ouvrage actuel, puis un mur de liaison et enfin
l'ouvage "fer à cheval" dont l'aile extérieure
est entièrement dégagée. Cet ouvrage de
5m de diamètre a une épaisseur de mur de 1,50m
et vient mourir sur le batardeau actuel qui a été
prolongé et construit sur la fondation après la
démolition de la tour. Ces travaux datent de 1831 comme
le relèvent le mémoire effectué en 1853
par le chef du bataillon du génie Monsieur Bailleul.
D'autres pistes d'investigation se dessinent au
fur et à mesure de la redécouverte des lieux: le
batardeau de 3,50m de large (le seul à Bergues de cette
dimension) avait-il un passage souterrain ? En effet, l'épaisseur
de la muraille entre l'intérieur de la salle et le flanc
de la tour est de 5m alors que sans un arc briqueté de
la salle, le mur est soudé à 0,65m avec l'existence
d'une cavité qui serait un axe de batardeau.
Sans être terminée, la découverte
des lieux est bien engagée. Les contacts avec Madame Germain,
conservateur des plans reliefs à Lille, permettront de
mesurer sur la maquette les détails de construction pour
comparaison avec les relevés d'aujourd'hui. Par ailleurs,
la récupération des pierres de parement de la tour,
relevées du fossé, est un premier élément
qui incitera la reflexion des décideurs locaux et des
professionnels du patrimoine sur la sauvegarde et la réalisation
du site à engager.
Michel WALSPECK
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