1997

Pitgam

 

Pitgam : Schulleveldt - Gazoduc .


N° du site : 59 463 005 AH

Dans le cadre des opérations archéologique menées sur le tracé du gazoduc des haut de France, une fouille étendue a été décidée consécutivement à la découverte d' un grand nombre de structures sur la commune de Pitgam au lieu-dit Shulleveldt. L'intervention est située dans la zone de contacts entre la Flandre intérieure et la Flandre maritime. la transition entre les deux s'effectue au niveau de la rupture de la pente d'un versant donnant sur la plaine maritime , à la cote de 2,50 mètres. La superficie décapé est de 0.64 hectare sur laquelle ont été découvertes environ 350 structures. La très grande majorité correspond à des fossés dont la fonction est vraisemblablement d'assurer le drainage des terrains. L'essentiel des structures est attribué à la période gallo-romaine, entre le Ier et le IIe siècle, mais deux fossés sont sans doute attribuables à la fin de La Tène finale. Une nécropole réunissant six tombes a également été découverte ainsi que plusieurs autres isolées. Elles datent de la deuxième moitié du IIes . après J.C.
Le secteur semble inoccupé jusqu'au XVesiècle. Quelques fosses appartiennent également à cette époque. La plus récente date du XVIIesiècle.

UN MOBILIER CERAMIQUE ABONDANT
La céramique collectée sur l' ensemble du site représente plus de 6000 tessons, d'un poids total supérieure à 100 kg. Le mobilier céramique attribué à l'époque gallo-romaine réunit plus de 50 % de récipients de facture indigène. Ce pourcentage montre de manière évidente que cette production céramique est plus qu' anecdotique et qu' elle s' inscrit à part entière dans le corpus gallo-romain du nord de la France .
A Pitgam, cette production est caractérisée par une pâte de texture homogène, de structure fine et micro-poreuse. La surface extérieure des vases n'est jamais finement lissées mais plutôt laissée brute de montage. Celui-ci semble la plupart du temps avoir été réalisé au colombin ou peut-être à la motte, et la finition a parfois été faite au tour lent. L'usage du tour a été observé à quelques reprises sur certains tessons mais il est loin d'être courant. Le registre décoratif est très limité mais très fréquent. Il consiste quasi systématiquement en un peignage oblique couvrant de la panse qui semble souvent avoir été réalisé avec un bouchon de végétaux. Les formes rencontrées sont très stéréo-typées. La forme la plus commune est le pot ovoïde au col court formé par une lèvre aplatie et fortement saillant. Ces récipients sont presque toujours ornés d 'un décor couvrant peigné sur la panse. Ils ne trouvent pas leur correspondant dans les formes gallo-romaines. Les formes ouvertes, telles que jattes et coupes, sont plus rares. On trouve également quelques individus qui, bien que réalisés à la manière des autres vases, sont la transposition de vases gallo-romains. Si le mobilier mis au jour est caractéristique de l'habitat, les structures en relation directe avec ce domaine sont rares. Il semble que cette zone extrêmement humide soit bien peu favorable à l' implantation d'un habitat. Les quelques vestiges liés au saunage (éléments de four à sel et moule) témoignent que cette activité a bien eu lieu sur place, même si on n'en a pas découvert les lieux de mise en œuvre.


Stéphane GAUDEFROY.AFAN

 

Pitgam : Schulleveldt - Gazoduc.

Un projet de construction d'une station de compression de gaz est à l'origine d'une intervention sur la commune de Pitgam, au lieu dit Schulleveldt, en septembre 1997. Le diagnostique archéologique a porté sur l' extension présumée d' un important site gallo-romain partiellement exploré par S. Gaudefroy avant la pose de la canalisation du gazoduc, au cours du printemps 1997 (Cf. infra) .
La commune de Pitgam est située dans la zone de contact entre la Flandre intérieure et la Flandre maritime. La transition entre les deux s' effectue au niveau de la rupture de pente d' un versant donnant sur la plaines maritime, à une altitude de 2.50 mètres NGF. Le site , localisé à environ 1 km à l'ouest du village, se place précisément à la jonction de ces deux grands ensembles géomorphologiques très contrastés . La parcelle concernée est un terrain agricole d' une superficie initiale de 5 ha .
Les tranchées, d'une trentaine de mètre de long, totalisent une superficie de 3430 m², soit un peu moins de 9% de la surface globale du projet .

LES STRUCTURES

Les tranchées ont révélé la présence d'un grand nombre de structures en creux, auxquelles est associé du mobilier. Ces structures recouvrent a priori , sur la base de critères morphologique (forme et dimensions observées en surface), trois catégories: les trous de poteaux, les fosses, domestiques ou sépulcrales, et les fossés, présents dans chacune des tranchées réalisées. Quelques unes des structures exhumées ont été sondées, et se sont avérées peu profondes. Le degré d'érosion du site reste cependant à définir .

LE MOBILIER


Le mobilier recueilli sur le site est exclusivement en céramique, et correspond, à l'exception de quelques élément de briquetage et d'une fusaïole, à des vases à usage domestique (vase à cuire, vase à provision et vaisselle de table). De fait, la céramique constitue l' unique élément de datation et de compréhension des contextes archéologique appréhendés dans les limites du projet .
La céramique domestique collectée dans 26 des 38 tranchées réalisées totalise 2310 tessons pour un poids de 24.4 kg, correspondant à plus d' une centaines d' individus. Les contextes auxquels se rattachent ces éléments mobiliers sont au nombre de 42 .La plupart n'a été que très superficiellement examiné. Trois horizons chronologiques sont inégalement représentés . Le premier, compris entre le dernier quart du 1er siècle avant J.C. et le milieu du 1er siècle après J.C., est caractérisé par des lots homogènes de céramiques de tradition laténienne, incluant dans des proportions très faibles des éléments exogènes, produits d'importation, à l'exemple notable d'un gobelet/tonnelet en pâte fine blanche. Ce type de vase méconnu dans la région , se place chronologiquement dans le premier horizon gallo- romaine pays trévire, soit entre -30/-25 et -15/-10. Le deuxième horizon chronologique est daté de la période flavienne , voire du début de la période antonine. les lots de céramiques fragmentaires en rapport avec cette phase d'occupation du site se distinguent par la présence de sigillées de Gaule du sud (2 exemplaires: une tasse bilobée de type Drag. 27, et une assiette de type Drag.18/31) et de vases en céramique commune à pâte grise sableuse (gobelet et marmite à col tronconique décoré de bandes lissées parallèles), et à pâte claire (une cruche). Comme pour le premier horizon, la céramique de facture indigène, non tournée, est largement prépondérant. Globalement, elle représente , en proportion du nombre total de tessons récupérés sur le site, près de 85 %. IL s' agit d'une donnée relative, mais elle souligne de manière pertinente le phénomène de persistance des traditions laténiennes en Ménapie pendant le Ier siècle de notre ère. La céramique indigène appartient en totalité à un répertoire laténien tardif encore mal défini, attesté sporadiquement dans la région du Westhoek. Certaines formes, comme les vases ovoïdes à panse peignée, sont caractéristiques de la fin de l'âge du Fer dans le nord de la France. Le dernier horizon attesté par la céramique est médiéval et/ou post-médiéval, mais les données, peu nombreuses, ne suscitent aucun commentaire particulier.

Au plus récent des trois horizons évoqués correspondent de larges fossés au tracé rectiligne, vestiges d'aménagements parcellaires, et destinés probablement à l'assainissement du site. La plupart des fossés se retrouve d'une tranchée à l'autre. Ce ou ces parcellaires se développent sur la base orthogonal, orienté approximativement nord /nord-ouest-sud/sud-est.
Les éléments gallo-romains les plus récents, attribuables à la seconde moitié du Ier siècle après J.-C., proviennent également de fossés parcellaires. Ces derniers ont une orientation différente de celle du ou des parcellaires modernes.
Enfin, les indices les plus anciens sont à mettre en relation avec l'occupation d'un établissement, probablement une ferme indigène, repérée dans la partie médiane de l'emprise. L'enclos dans lequel se développe l'habitat se singularise par son enceinte à double fossé. Ce type d'enclos est bien attesté en Picardie à la Tène finale.
Une sépulture à incinération a été découverte dans l'une des tranchées. Elle est du même type que certaines des tombes découverte dans l'emprise du gazoduc, notamment celles de la nécropole de la zone 1. Le responsable de la fouille les date des deux Premiers siècles de notre ère. Quelques rares sites du Westhoek, à l'exemple de Locre / Heuvelland ou Boezingue / Ypres, ont livré des structures funéraires semblables à celles découvertes à Pitgam. La tombe de Locre est datée de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C.
Dans chacune des deux tranchées 6 et 51, une structure a livré des éléments de briquetage.
Le fossé 7 de la tranchée 51, dans lequel se trouvait entre autres céramiques un vase ovoïde complet, a livré la partie inférieure d' un pilier en terre cuite de forme cylindrique, comparable à ceux du briquetage des Noires Terres à Ardres. Ces piliers en terre cuite sont interprétés comme support pour les récipients contant la saumure. Dans la tranchée 6, se des fragments de godets en terre cuite qui on été trouvés. Ils proviennent d' une petite fosse (62) en partie détruite par un fossé. Ces éléments de briquetage sont dans chacune des deux structures décrites en position résiduelle leur contexte d' origine, fourneau à sel, n'a pas été identifié. Ils attestent un artisanat du sel sur le site au début du Ier siècle après .J .-C. Cette datation repose sur les éléments céramiques récupérés dans le fossé 7 de la TR 51. L'élément le plus significatif en terme de chronologie est une cruche à deux anses(cannelées), à pâte orange chamottée, proche du type Gose 421, et du type Stuart 146. Ces deux auteurs s'accordent à placer ces cruches dans une fourchette chronologique large comprise entre les règnes d'Auguste et de Claude. On citera à titre de comparaison régionale la présence d'un exemplaire similaire au nôtre dans la fosse F.02, datée de la période claudienne , de la villa du Mont- Saint-Vaast près d'Arras.
Les sondages archéologiques réalisés à Pitgam au lieu-dit Schulleveldt, à l'emplacement d' une future station de compression de gaz, révèlent en particulier l'existence d' un établissement rural gallo-romain précoce, caractérisé par un enclos quadrangulaire , délimité par un double fossé. L'établissement, manifestement de tradition laténiénne se développe dans la partie centrale de l'emprise. Un réseau complexe de fossés se superpose au premier ensemble archéologique. Certains sont également gallo-romains , d' autres sont ou médiévaux ou modernes. Ces fossés indénombrables, vestiges d'aménagements parcellaires, couvrent la totalité de l'emprise sondée. Le tout forme un entrelac a priori inextricable. Le démêler nécessiterait une fouille extensive .
La construction d'une station de compression de gaz aura un impacte préjudiciable certain sur l' intégralité des vestiges. Un terrassement extensif d' une profondeur supérieure à 0.30 m entraînerait indubitablement la destruction du site.

Frédéric Lemaire.AFAN