Pitgam, Schulleveldt
N° du site : 59 463 005 AH
Le gisement gallo-romain de " Schulleveldt
"est localisé à 1 km à l'ouest de la
commune de Pitgam et à environ 12 km au sur de Dunkerque.
Il s'étend sur une superficie estimée à
15 ha, en limite de la Flandre intérieure et de la Flandre
maritime, à une altitude de 2,5 mètres NGF. Ce
secteur se place topographiquement à la rupture de pente
vers la plaine maritime, en frange de la gueule d'estuaire pénétrant
par le nord lors des transgressions Dunkerquiennes I et II, pour
la période couvant l'âge du Fer et la période
romaine.
L'opération de sondage menée à Pitgam porte
sur le zone la plus sensible, soit une superficie de 1,5 ha sur
les 5 ha concernés par l'installation d'une future station
de recompression de Gaz de France. Elle fait suite aux fouilles
réalisées au printemps 1997 sur la commune, dans
le cadre du tracé du gazoduc reliant Loon-Plage (59) à
Cuvilly (60).
Sur le site, les fossés représentent la majeure
partie des structures mises au jour. Leur forte représentativité
s'explique par la position du gisement en Flandre maritime. Le
site est localisé en bordure d'une plaine inondable, qui,
pour la période qui nous concerne, soit les deux premiers
siècles de notre ère, est soumise aux effets consécutifs
à la transgression dunkerquienne I . La cote d'altitude
du site variant entre 2,50 mètres à l'est et 2
mètres à l'ouest, nous nous situons à quelques
centaines de mètres du littoral ancien. L'importance des
fossés sur le gisement, liée à une chronologie
relative révélant des aménagements successifs
dans un laps de temps limité, reflète la nécessité
de devoir entretenir et modifier les tracés des fossés
afin d'optimiser le drainage. Le travail que représente
leur creusement suppose une population importante, mais également
avoir eu une fonction différente et avoir servi d'adduction.
L'activité du site, si l'on en croit la présence
de fragments d'augets et pilettes de fours à sel, peut
être liée au moins partiellement à l'activité
saunière qui nécessite beaucoup d'eau. Elle s'expliquerait
par la proximité d'un estuaire proche durant l'Antiquité,
des ressources naturelles nécessaires alentours et des
courants de circulation aisés, pour
un produit, le sel, très recherché pour la conservation
des aliments
Gestion de l'espace et fonction
L'évolution du système fossoyé à
Pitgam nous a permis de développer plusieurs hypothèses.
La progression s'explique par une organisation de plus en plus
rigoureuse de l'espace investi, par une connaissance accrue des
phénomènes naturels et par une maîtrise croissante
du contrôle de l'eau. L'hypothèse de départ
est que le site est investi par une population dont la volonté
semble être de bénéficier dans un premier
temps de terres saines. Le large fossé ouest de la première
phase est peut-être déjà doublé d'un
fossé à l'est permettant de collecter les eaux
afin d'assainir au mieux l'espace central. L'étape suivante
correspond à l'occupation de ces terres. On y aménage
de petits enclos (héritage gaulois), dont certains peuvent
être interprétés comme des bassins de concentration
de la saumure afin de réaliser des pains de sel. Si l'hypothèse
d'une activité saunière est retenue, l'aménagement
du large fossé circulaire s'expliquerait comme une aire
saunante. Elle permettait de faire cristalliser le sel selon
le principe d'évapo -transpiration. Les zones centrale
et orientale du site serraient davantage vouées à
la mise en place d'un habitat comme l'attestent les trous de
poteau, les fosses comportant des rejets de foyers et d'aliments.
La dernière phase est marquée par un développement
des fossés sur l'ensemble de la parcelle où le
mode de délimitation des secteurs s'est modifié.
De grandes aires sans limites observées, sauf pour les
petits enclos de la période intermédiaire, on passe
à des parcelles bien délimitées. Les structures
d'habitats semblent toujours être regroupées au
centre du site.
Nous avons donc pu observer une implantation différentielle
sur l'ensemble de la surface investie. Elle comporte une zone
à forte densité de structures fossoyées
alternée d'une zone dense de structures en creux, de type
fosses, trous de poteau ("zone d'habitat"). Cette volonté
d'implantation peut révéler une spécificité
fonctionnelle des secteurs ou une disparité de l'état
du terrain (substrat perméable ou non à l'eau).
Activité
Les activités pratiquées sur le site sont directement
liées aux pratiques généralement observées
dans les campagnes. Si l'activité principale de ce gisement
est liée au sel, celle-ci devait permettre de faire la
communauté, mais elle ne reste que saisonnière.
Elle s'échelonne en effet du printemps à l'automne,
durant la période chaude et venteuse de l'année.
Le reste de l'année était probablement voué
aux activités fermières. Toutefois, la teneur en
sel du sol semble être un handicap pour la mise en culture.
Parallèlement, le site a livré une quantité
importante de faune. La première identification de celle-ci
nous informe de l'élevage et de la consommation du porc,
du mouton, du buf et du cheval. Ce dernier représente
la majorité des échantillons, il est même
surreprésenté. Ce constat n'entre pas en contradiction
avec le biotope, l'élevage du cheval étant fréquent
dans des milieux de marais et côtiers.
Parallèlement aux activités agro - pastorales,
se développent des tâches secondaires souvent pratiquées
à des fins autarciques. Il est également probable
que la céramique trouvée en abondance sur le gisement
ait été fabriquée à proximité
pour des besoins immédiats. Aucune structure de chauffe
(four domestique, forge
) n'a été mise au
jour dans les limites de notre décapage. Toutefois plusieurs
fosses ont livré des rejets de foyers.
Si l'hypothèse de production de sel sur le gisement est
retenue, celle-ci nécessite des structures de combustion.
Cependant aucun four n'est présent sur le site. Ces aménagements
ont pu être relégués vers l'est sur un terrain
plus sec et plus isolé de l'habitat, dans un secteur à
vocation spécifique car les risques liés à
leur utilisation sont importants.
Au sein d'une même unité de production, la localisation
d'une activité liée à l'existence du site
est souvent stricte. Un fois défini, un même lieu
peut être réaménagé de nombreuses
fois, sa dévotion à un type d'activité est
pérennisée. Ceci
semble pouvoir expliquer l'importance chronologique relative
sur une durée courte ( quelques dizaines d'années).
La présence de nombreuses structures en dehors des limites
restreintes de notre décapage est attestée. Ces
zones regroupent probablement des éléments de réponses
quant à la vocation précise de certains secteurs.
De nombreuses questions apparaissent, en effet, au terme de cette
première étude.
Quelle est la densité des sites et leur extension précise?
La courbe de niveau des 2,5 mètres NGF est bien connue
des géologues et archéologues travaillant dans
la région; on y localise volontiers des gisements. Ici,
la courbe isocline à suivre dépasse ce cadre restreint
des 2,5 mètres. Il semble qu'il faille chercher les sites
les plus bas. La cote des 2 mètres correspondrait davantage
à la frange littorale durant l'Antiquité et durant
la période d'influence des transgressions marines.
Le site de "Schulleveldt" s'étend du nord au
sud sur une distance de 500 mètres sur cette courbe isocline.
Il reflète une dense occupation et il serait intéressant
de réaliser des sondages sur la commune de Steene2, plus
au nord, afin de vérifier cette constatation. On pourra
alors s'interroger sur les informations livrées par les
textes antiques, selon lesquels ces régions étaient
extrêmement peu peuplées et impropres à l'implantation
humaine.
D'autres questions se posent sur la dispersion des incinérations.
Ici, aucune organisation ne semble exister et le mobilier mis
au jour ne comporte que de la céramique. Sur le tracé
voisin du gazoduc, une petite nécropole avait été
observée. Le mobilier y associait des objets (fibules,
perles) et de la céramique.
En dernier lieu, le mobilier du Haut Empire issu du site nous
a permis de metrre en évidence la persistance du mobilier
céramique dit"de tradition indigéne",
à présence dominante, jusqu'à la fin du
IIème siècle de notre ère. Ce constat a
été fait tant dans l'habitat que dans le domaine
funéraire. Cette tradition semble typique de la Ménapie,
région proche des côtes nord. Ce mobilier mériterait
des études approfondies, notamment sur l'origine des pâtes.
Il serait important, à travers les recherches à
venir (sondages et prospections), de pouvoir préciser
les études chronologiques, typologiques et de connaître
la répartition de ce mobilier dans le Westhoek.
Karl Bouche.AFAN
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