1998

Pitgam

 

Pitgam, Schulleveldt


N° du site : 59 463 005 AH

Le gisement gallo-romain de " Schulleveldt "est localisé à 1 km à l'ouest de la commune de Pitgam et à environ 12 km au sur de Dunkerque. Il s'étend sur une superficie estimée à 15 ha, en limite de la Flandre intérieure et de la Flandre maritime, à une altitude de 2,5 mètres NGF. Ce secteur se place topographiquement à la rupture de pente vers la plaine maritime, en frange de la gueule d'estuaire pénétrant par le nord lors des transgressions Dunkerquiennes I et II, pour la période couvant l'âge du Fer et la période romaine.
L'opération de sondage menée à Pitgam porte sur le zone la plus sensible, soit une superficie de 1,5 ha sur les 5 ha concernés par l'installation d'une future station de recompression de Gaz de France. Elle fait suite aux fouilles réalisées au printemps 1997 sur la commune, dans le cadre du tracé du gazoduc reliant Loon-Plage (59) à Cuvilly (60).
Sur le site, les fossés représentent la majeure partie des structures mises au jour. Leur forte représentativité s'explique par la position du gisement en Flandre maritime. Le site est localisé en bordure d'une plaine inondable, qui, pour la période qui nous concerne, soit les deux premiers siècles de notre ère, est soumise aux effets consécutifs à la transgression dunkerquienne I . La cote d'altitude du site variant entre 2,50 mètres à l'est et 2 mètres à l'ouest, nous nous situons à quelques centaines de mètres du littoral ancien. L'importance des fossés sur le gisement, liée à une chronologie relative révélant des aménagements successifs dans un laps de temps limité, reflète la nécessité de devoir entretenir et modifier les tracés des fossés afin d'optimiser le drainage. Le travail que représente leur creusement suppose une population importante, mais également avoir eu une fonction différente et avoir servi d'adduction. L'activité du site, si l'on en croit la présence de fragments d'augets et pilettes de fours à sel, peut être liée au moins partiellement à l'activité saunière qui nécessite beaucoup d'eau. Elle s'expliquerait par la proximité d'un estuaire proche durant l'Antiquité, des ressources naturelles nécessaires alentours et des courants de circulation aisés, pour
un produit, le sel, très recherché pour la conservation des aliments

Gestion de l'espace et fonction
L'évolution du système fossoyé à Pitgam nous a permis de développer plusieurs hypothèses. La progression s'explique par une organisation de plus en plus rigoureuse de l'espace investi, par une connaissance accrue des phénomènes naturels et par une maîtrise croissante du contrôle de l'eau. L'hypothèse de départ est que le site est investi par une population dont la volonté semble être de bénéficier dans un premier temps de terres saines. Le large fossé ouest de la première phase est peut-être déjà doublé d'un fossé à l'est permettant de collecter les eaux afin d'assainir au mieux l'espace central. L'étape suivante correspond à l'occupation de ces terres. On y aménage de petits enclos (héritage gaulois), dont certains peuvent être interprétés comme des bassins de concentration de la saumure afin de réaliser des pains de sel. Si l'hypothèse d'une activité saunière est retenue, l'aménagement du large fossé circulaire s'expliquerait comme une aire saunante. Elle permettait de faire cristalliser le sel selon le principe d'évapo -transpiration. Les zones centrale et orientale du site serraient davantage vouées à la mise en place d'un habitat comme l'attestent les trous de poteau, les fosses comportant des rejets de foyers et d'aliments. La dernière phase est marquée par un développement des fossés sur l'ensemble de la parcelle où le mode de délimitation des secteurs s'est modifié. De grandes aires sans limites observées, sauf pour les petits enclos de la période intermédiaire, on passe à des parcelles bien délimitées. Les structures d'habitats semblent toujours être regroupées au centre du site.
Nous avons donc pu observer une implantation différentielle sur l'ensemble de la surface investie. Elle comporte une zone à forte densité de structures fossoyées alternée d'une zone dense de structures en creux, de type fosses, trous de poteau ("zone d'habitat"). Cette volonté d'implantation peut révéler une spécificité fonctionnelle des secteurs ou une disparité de l'état du terrain (substrat perméable ou non à l'eau).
Activité
Les activités pratiquées sur le site sont directement liées aux pratiques généralement observées dans les campagnes. Si l'activité principale de ce gisement est liée au sel, celle-ci devait permettre de faire la communauté, mais elle ne reste que saisonnière. Elle s'échelonne en effet du printemps à l'automne, durant la période chaude et venteuse de l'année. Le reste de l'année était probablement voué aux activités fermières. Toutefois, la teneur en sel du sol semble être un handicap pour la mise en culture. Parallèlement, le site a livré une quantité importante de faune. La première identification de celle-ci nous informe de l'élevage et de la consommation du porc, du mouton, du bœuf et du cheval. Ce dernier représente la majorité des échantillons, il est même surreprésenté. Ce constat n'entre pas en contradiction avec le biotope, l'élevage du cheval étant fréquent dans des milieux de marais et côtiers.
Parallèlement aux activités agro - pastorales, se développent des tâches secondaires souvent pratiquées à des fins autarciques. Il est également probable que la céramique trouvée en abondance sur le gisement ait été fabriquée à proximité pour des besoins immédiats. Aucune structure de chauffe (four domestique, forge…) n'a été mise au jour dans les limites de notre décapage. Toutefois plusieurs fosses ont livré des rejets de foyers.
Si l'hypothèse de production de sel sur le gisement est retenue, celle-ci nécessite des structures de combustion. Cependant aucun four n'est présent sur le site. Ces aménagements ont pu être relégués vers l'est sur un terrain plus sec et plus isolé de l'habitat, dans un secteur à vocation spécifique car les risques liés à leur utilisation sont importants.
Au sein d'une même unité de production, la localisation d'une activité liée à l'existence du site est souvent stricte. Un fois défini, un même lieu peut être réaménagé de nombreuses fois, sa dévotion à un type d'activité est pérennisée. Ceci
semble pouvoir expliquer l'importance chronologique relative sur une durée courte ( quelques dizaines d'années).
La présence de nombreuses structures en dehors des limites restreintes de notre décapage est attestée. Ces zones regroupent probablement des éléments de réponses quant à la vocation précise de certains secteurs. De nombreuses questions apparaissent, en effet, au terme de cette première étude.
Quelle est la densité des sites et leur extension précise? La courbe de niveau des 2,5 mètres NGF est bien connue des géologues et archéologues travaillant dans la région; on y localise volontiers des gisements. Ici, la courbe isocline à suivre dépasse ce cadre restreint des 2,5 mètres. Il semble qu'il faille chercher les sites les plus bas. La cote des 2 mètres correspondrait davantage à la frange littorale durant l'Antiquité et durant la période d'influence des transgressions marines.
Le site de "Schulleveldt" s'étend du nord au sud sur une distance de 500 mètres sur cette courbe isocline. Il reflète une dense occupation et il serait intéressant de réaliser des sondages sur la commune de Steene2, plus au nord, afin de vérifier cette constatation. On pourra alors s'interroger sur les informations livrées par les textes antiques, selon lesquels ces régions étaient extrêmement peu peuplées et impropres à l'implantation humaine.
D'autres questions se posent sur la dispersion des incinérations. Ici, aucune organisation ne semble exister et le mobilier mis au jour ne comporte que de la céramique. Sur le tracé voisin du gazoduc, une petite nécropole avait été observée. Le mobilier y associait des objets (fibules, perles) et de la céramique.
En dernier lieu, le mobilier du Haut Empire issu du site nous a permis de metrre en évidence la persistance du mobilier céramique dit"de tradition indigéne", à présence dominante, jusqu'à la fin du IIème siècle de notre ère. Ce constat a été fait tant dans l'habitat que dans le domaine funéraire. Cette tradition semble typique de la Ménapie, région proche des côtes nord. Ce mobilier mériterait des études approfondies, notamment sur l'origine des pâtes. Il serait important, à travers les recherches à venir (sondages et prospections), de pouvoir préciser les études chronologiques, typologiques et de connaître la répartition de ce mobilier dans le Westhoek.


Karl Bouche.AFAN